Les Jumeaux du diable

Roman désavoué par son auteur. Un destin peut être orienté par un infime détail du hasard.


Marcel Aymé
Œuvres romanesques complètes
La Pléiade I

Contexte :

Marcel Aymé écrit son troisième roman entre août – septembre 1927 et mars 1928 (avec une interruption en octobre – novembre pour écrire la nouvelle Le Puits aux images).

Alors que le cadre des deux premiers romans se situe en un seul lieu, à Dole pour Brûlebois, et à Paris pour Aller retour, l’action des Jumeaux du diable se déroule entre Cherbourg et Paris. Pourquoi Cherbourg ?

Marcel Aymé a passé des vacances à Cherbourg pendant la période 1914-1918, chez sa tante Cécile Monamy, épouse de Jean Girardon. C’était celle de ses tantes qui avait « les yeux bleu marine » (« Confidences et propos littéraires » p.224. 1996 Les Belles Lettres).

L’auteur rencontre quelques difficultés à faire éditer ce troisième roman : La Revue de Paris le refuse. Puis Gallimard, malgré les promesses de Jean Paulhan, le refuse dans un premier temps avant de le publier enfin, en septembre 1928.

Synopsis :

L’action de roman qui se situe dans les années vingt. Elle se déroule sur une période de deux ans, entre l’apparition des deux personnages principaux, à l’âge de 25 ans et leurs morts violentes au cours du mois de juin. L’histoire commence dans la mer, près de Cherbourg, se déroule dans une banlieue de Paris et s’achève tragiquement, pratiquement là où elle avait débuté.

Satan crée deux êtres identiques pour prouver qu’un petit grain de sable peut enrayer la belle mécanique de la destinée et faire qu’une créature de Dieu, ainsi libérée aille même jusqu’à le renier.

C’est ainsi que deux frères jumeaux (ou plutôt des clones) naissent de la mer, à l’âge de 25 ans, à la suite d’un naufrage. Malgré leur identité parfaite, l’un (Norbert) prend du retard sur son double (Louis) après avoir avalé une gorgée d’eau de mer. Son frère le devance dans l’amour d’une femme idéalisée (Marie du Môle). Leurs chemins se séparent et seul les relie un sentiment ambigu d’amour-haine, Louis devenant une véritable obsession pour Norbert. Par un jeu de balance, lorsque l’un prospère l’autre dépérit, comme s’ils puisaient dans une même source de vie.

Norbert se libère de son obsession en poussant Louis du haut d’une falaise et trouve lui-même la mort en tentant d’empêcher Marie du Môle de rejoindre son amant dans la mer. Les deux frères nés le même jour de la mer y achèvent leur existence au cours de la même nuit. Pour sa part, le personnage de Marie du Môle qui incarne le destin que Louis a saisit en devançant Norbert, entretient des rapports particuliers avec cette mer qui l’a épargnée avec son père alors qu’elle était enfant et qui, plus tard, la reprend avec son amant.

Les thèmes :

Deux personnages identiques, de vrais jumeaux (véritables clones) illustrent le thème du double fréquemment abordé par Marcel Aymé, en incarnant ici une version moderne du mythe d’Abel et Caïn.
Ce roman est également une réflexion sur la part de liberté dont dispose l’homme, à côté de ce qui prédétermine ses actions (son hérédité, sa culture, ses souvenirs, etc.) et que certains nomment sa destinée.
Un troisième thème cher à Marcel Aymé : le cours du destin peut être fortement modifié par un petit détail en apparence sans importance. (ici : une gorgée d’eau de mer avalée par Norbert).

 Les personnages :

Par ordre d’entrée dans le roman.

Satan, le Malin : créateur des deux Louis Ducourtil (p.1104)
Saint Pierre, Céphas : auquel Satan expose son projet (p.1104)
Louis Ducourtil (25 ans) : flottant avec son double sur la mer (p.1105)
Le capitaine du chalutier qui les recueille (p.1106)

Chalutier à quai à Cherbourg

Tante Josette : tante à laquelle font allusion les deux Louis Ducourtil (p.1106)
Poultu : un des matelots du chalutier qui marque Norbert avec une tondeuse (p.1109)
Norbert Ducourtil (25 ans) : baptisé ainsi par le capitaine du chalutier (p.1111)
Nimbu (35 ans) : louchant avec un nez pointu, travaillant aux chemins de fer, témoin puis messager entre les deux frères (p.1112)
Juliette : serveuse de l’auberge où Louis et Norbert passent la nuit (p.1112)
Le Tristan : mentionné par Juliette (p.1112)
Les Bassets : auxquels la patronne de l’auberge lit les lignes de la main (p.1115)
La patronne de l’auberge : une vieille femme, maigre, avec du ventre (p.1115)

L’auberge près de Cherbourg – Ici à Auderville

Marie du Môle : belle, mince comme il faut, avec un visage fin et mat, des yeux noirs très grands, le grand amour de Louis … et de Norbert (p.1115)
Lampon : qui a une moto selon Nimbu (p.1116)
Léonie Couchard, dite Leïlé (18 ans) : jolie servante au service de Louis et Marie du Môle (p.1124)
Le chef de gare : évoqué par Nimbu, qui l’a cocufié et a été congédié à la suite de cela (p.1131)
Portier : un employé de gare, évoqué par Nimbu (p. 1131)

La gare de Cherbourg

Le patron de Norbert : qui considère la littérature et la poésie comme des choses peu sérieuses chez un collaborateur (p.1138)
Mme Ton : la concierge de Louis, à laquelle Norbert dit chercher un appartement (p.1144)
Mr Jacques Sebon : faux nom sous lequel Norbert se présente à Marie du Môle (p.1146)
Le père de Norbert : évoqué dans les souvenirs de Norbert (p.1149)
Le médecin de quartier : consulté par Norbert (p.1151)
Un oncle de Nimbu : évoqué par ce dernier (p.1154)
Amélie Cartot : voisine de table de l’oncle de Nimbu, évoquée par celui-ci (p.1154)
Mr Eugène : qui a bousculé Louis au « Travailleur’s bar » (p.1168)
M. Dedron : nom évoqué par Louis qui travaille dans son usine comme ingénieur (p.1184)
Leberger : collègue du Louis après l’avoir été de Norbert, aux usines Dedron (p.1184)
Mr et Mme Couchard : parents de Léonie Couchard, dite Leïlé (p.1190)
Monsieur Jules : l’un des invités au mariage de Nimbu et Leïlé (p.1191)
Une dame dactylographe-comptable dans une fabrique de bouchon : cavalière de Louis au mariage de Nimbu (p.1192)
Madame Lebai : évoquée dans une conversation le jour de la noce (p.1195)
Juliette : invitée interpellée par Nimbu durant le repas de noce (p.1196)

Les lieux :

L’auberge misérable dans un petit village du côté de Cherbourg où arrivent les deux jumeaux (p.1112)
La terrasse d’un café à Cherbourg : où Norbert aperçoit Louis et Marie du Môle (p.1120)

Cherbourg – Terrasse de café dans la rue du Bassin

Le dernier étage d’une maison en proche banlieue parisienne avec vue sur la quartier de La Villette : où habitent Louis et Marie du Môle (p.1124)
Un café du quartier de la Villette, proche de la maison de Louis et de Marie du Môle, où Norbert entraîne Nimbu (p.1142)

Café au 212 boulevard de La Villette – Maison Jean Bonhomme

L’appartement au rez-de-chaussée de la maison de Louis et Marie du Môle, où Norbert s’installe (p.1144)
Le Travailleur’s bar : où Louis donne une correction à Mr Eugène après avoir été bousculé par lui (p.1168)
Une maison face à la mer du côté de Cherbourg : où Louis et Marie du Môle se réfugient (p.1198)
La falaise à pic au dessus de la mer : où Louis, Marie du Môle et Norbert trouvent la mort (p.1200)

Falaises d’Etretat – mars 2007
© Jean Michel NESA

Presse & travaux :

Selon une lettre adressée par Marcel Aymé à son frère Georges, le 31 octobre 1928, les critiques sont plutôt favorables mais semblent gênés par l’absence d’une intention philosophique.

Citations :

« Toutes les femmes fatales viennent de la nuit et mesurent à peu près un mètre soixante-dix. » (selon Norbert)
La Pléiade vol. I, page 1117.

« De cette cité où la vie battait son rythme de la force suée, il semblait que l’âme fût en quarantaine. »
La Pléiade vol. I, page 1124.

« Ils vivaient l’un pour l’autre, c’est-à-dire chacun pour soi avec l’autre, car dans le tas de leurs égoïsmes mis en commun, ils savaient où reprendre leur bien respectif quand viendrait l’heure. » (Louis et Marie)
La Pléiade vol. I, page 1124.

« Elle avait, dans son choix, la sûreté de ceux qui ne s’appliquent pas à raisonner. » (Marie)
La Pléiade vol. I, page 1126.

« J’aime à imaginer que notre cas n’est pas unique, mais particulier ; qu’il existe pour tout être un être complémentaire et qu’ils possèdent à eux deux la somme de bonheur complet. » (Louis
La Pléiade vol. I, page 1165.

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