Le Vaurien

Roman sur les rapports conflictuels d’un fils avec son père et sur le désir utopique de choisir ses parents.

Marcel Aymé
Œuvres romanesques complètes
La Pléiade I

Contexte :

Marcel Aymé commence à écrire Le Vaurien en septembre 1930 et le termine en quelques mois. Le livre paraît en mai 1931 et déconcerte la critique par son originalité et le renouvellement du style romanesque de l’auteur.

Synopsis :

L’action se déroule au lendemain de la guerre 1914-1918, à Paris dans le quartier de Montmartre et ses environs.
Ce roman met en parallèle les destinés de deux garçons âgés de 25 ans (Bernard, le narrateur et Pierre Jiquiaud), qui font le désespoir de leur père et finissent par se brouiller avec lui. Par une curieuse coïncidence cela se passe le même matin du 17 avril (p.525). Après avoir rompu avec leur famille, ils se rencontrent par hasard à Paris en juillet, se lient d’amitié et puis se brouillent.
Un chassé-croisé s’opère, Bernard trouve un emploi chez le père de Jiquiaud (homme d’affaires sans scrupules) qui finit par le traiter comme son fils, tandis que Pierre Jiquiaud rencontre le père de Bernard (politicien opportuniste) dans le cabaret du « Petit Dingue » et dîne avec lui.
D’autres personnages ont un rôle important dans l’intrigue : Dine, la prostituée et Grelin, l’animateur du cabaret du « Petit Dingue » – Jouvedieu, poète féru de statistiques – Mme Ruche, veuve amoureuse de Bernard, dactylo chez le père de Jiquiaud. Après un début prometteur, la situation des personnages se détériore avec l’arrestation du père de Jiquiaud, la folie de Bernard, la mort de Grelin, etc.
Des éléments fantastiques concernant des détails insignifiants, et demeurant incertains pour le lecteur, alimentent la folie de Bernard : une anomalie dans le motif de la tapisserie de sa chambre où une fleurette apparaît et disparaît sans explication (p.618). A ce premier mystère, s’en ajoutent d’autres comme la mèche de cheveux gris que Grelin prétend avoir reçu de sa défunte épouse au cimetière de Pantin (p.626), les passages invisibles de Jiquiaud dans le couloir de l’immeuble, etc.
A la fin du récit, tout rentre dans l’ordre, un ordre fait de résignation pour Bernard, le personnage principal, qui choisit la facilité d’un confort médiocre.

Les thèmes :

Les relations conflictuelles entre pères et fils (la mère étant ici effacée ou absente).
L’utopie de pouvoir choisir son père ou son fils selon des affinités profondes.
La fidélité aux amis quelles que soient leur personnalité, leurs idées ou leurs actes.
La folie, vécue de l’intérieur, avec ses hallucinations et ses délires d’interprétation.
L’ambition politique d’un père, avec toute l’arrogance et la mauvaise foi que cela comporte.
Le goût pour la spéculation et les affaires douteuses d’un autre père, non dénué de lucidité et de sincérité.

Les personnages :

Protagonistes du roman et personnages simplement évoqués, par ordre d’entrée dans le roman.
Pierre Jiquiaud (25 ans) : 85 kilos, artiste-peintre, qui habite au 4ème étage (p.511)
Octave Jiquiaud (55 ans) : le père de Pierre Jiquiaud, homme d’affaire peu délicat (p.511)
Bernard (25 ans) : le narrateur, d’une nature indolente (p.512)
Le père de Bernard : ancien capitaine de 1914-18, hostile à son fils, député anticlérical opportuniste (p.511)
La mère de Bernard : indifférente et soumise, qui n’avait pas vocation à aimer personne (p.511)
Antonin : patron d’une maison de tolérance (p.518)
Le sous-préfet : (p.518)
Margelin : clérical, adversaire politique du père de Bernard (p.519)
Les Jorlaine : amis des parents de Bernard, qui vivent à Paris (p.522)
Avril : nom de baptême donné au basset à poil ras rencontré rue La Bruyère (p.523)
L’hôtelier : des yeux bleus, un nez trop long, qui refuse de loger Bernard à cause du basset à poil ras (p.527)
Madame Jiquiaud-Bellefond : feue la mère de Jiquiaud à laquelle il ressemble (p.527)
Jean Jouvedieu : que Jiquiaud présente à Bernard, un fou qui pense que l’avenir de la poésie est dans la statistique (p.528)
Joernecken : peintre de génie qui peint des paysages gros comme le poing au bas d’un ciel limpide de 3 à 4 mètres carrés (p.529)
Manoli « le frère latin » : Maltais, ou Grec, ou Argentin, que Jiquiaud effraie pour récupérer sa chambre pour Bernard (p.530)
Marguerite Béliard, alias Dine (dite Dina) : Une très jeune femme, grande, brune qui habite la chambre du fond du couloir et travaille comme prostituée au « Petit Dingue » (p.532)
Georges Louvier, dit Georget : ami de Dine, à laquelle il a offert un parapluie pour sa fête il y a deux ans et qui a quitté Dine depuis un an (p.535)
Une fillette de 8 à 10 ans : qui est à la fenêtre sur cour (p.536)
Madame Moine : La voisine, mère de la fillette et dont le mari n’est pas rentré depuis la veille à midi (p.536)
Lucien : le fils de Madame Moine, qui est allé voir son oncle à Argenteuil (p.536)
La fille aînée de Madame Moine : que sa mère ne laisse pas sortir le soir (p.536)
Emile Moine (plus de 50 ans) : le mari de la voisine, alcoolique qui vend des chiens (p.537)
Grelin (50 ans passés) : un copain de Dine au « Petit Dingue », qui loge dans la petite chambre au bout du couloir, en face de celle de Dine (p.539)
Lisbeth : la femme de Grelin qui est décédée d’un transport au cerveau, il y a 15 ans, un soir de 14 juillet (p.540)
Le directeur de chez Jacques et Flobert : que Bernard et Pierre Jiquiaud visitent (p.542)
Un homme aimable : autre client de Pierre Jiquiaud (p.543)
M. l’abbé Débois (confesseur) et M. l’abbé Grugeot : mentionnés dans la lettre de la mère de Bernard (p.547)
Grisel : avocat, ami de M. Jorlaine (p.549)
Léonie (environ 40 ans), la servante d’Octave Jiquiaud depuis 26 ans : lourde trapue et laide (p552)
Mme Besse : la sœur d’Octave Jiquiaud, dont Pierre a peint le portrait (p.554)
Alice Duchemin : dactylo de l’étude Jiquiaud, qui attend sa majorité pour se marier contre le gré de son père (p.560)
Louise Brunet : dactylo de l’étude Jiquiaud, qui se fait exploité par son amant (p.560)
Madame Ruche : prénommée Bleuette, dactylo de l’étude Jiquiaud, une personne de beaucoup d’orthographe qui relevait de veuvage (p.560)
La petite Ginette : employée du bar « Le Petit Dingue » (p.574)
Berget (la quarantaine) : voisin du père de Bernard en province, rencontré au « Petit Dingue ». (pp.578 et 603)
Anna (21 ans) : la fille aînée du voisin du père de Bernard (p.578)
Lévy-Maus : personnage évoqué par Octave Jiquiaud, et qui doit lui servir d’intermédiaire dans une affaire de spéculation (p.614)
La cousine de Mme Ruche : personnage évoqué par cette dernière. Habitant Châteauroux, elle lui a envoyé une gerbe de fleurs pour la tombe de M. Ruche (p.616)
Olga : fille de la campagne autrefois au service de la mère de Bernard, et dont celui-ci se souvient (p.616)
Les Bréard : voisins des parents de Bernard évoqués dans une lettre de sa mère et qui ont voté pour son père (p.629)
Trépan : député présent à un dîner chez les Jorlaine, auquel participent Octave Jiquiaud et Bernard (p.634)
L’avocat d’Octave Jiquiaud : à qui Bernard rend visite afin d’avoir de nouvelles de son patron incarcéré (p.643)
Noël Béliard : le père de Dine, qui rend visite à Bernard et déplore que sa fille ne lui donne plus d’argent (p.654)
Bornemain : un ami du père de Bernard, victime des escroqueries d’Octave Jiquiaud (p.660)
La maison Liébert : un client de Pierre Jiquiaud qui vend des savons (p.661)

Les lieux :

Paris : où habite Jiquiaud (p.511)
La petite ville de province : où habitent les parents de Bernard, le narrateur (p.511)
Rue Notre-Dame-de-Lorette : où Bernard déambule sa valise à la main après avoir quitter un premier hôtel (p.522)
Hôtel de la rue Bergère : où Bernard a vécu deux mois d’une l’oisiveté complète, après son arrivée à Paris (p.522)
Rue La Bruyère : où Bernard rencontre un basset à poil ras, puis fait connaissance de Jiquiaud (p.523)
Rue Pigalle : où Jiquiaud s’apprête à prendre congé de Bernard (p.524)
Rue Chaptal : empruntée par Bernard (p.524)
Un hôtel pas trop cher : où Jiquiaud dit être descendu le 17 avril après s’être brouillé avec son père (p.525)
Boulevard de Clichy : traversé par les deux amis à la recherche de l’hôtel pas trop cher et où ils reviennent boire un bock à une terrasse de café (p.526)
Les rues latérales qui montent au Sacré-Cœur : sur le trajet des deux amis (p.526)
Rue Caulaincourt : où habitent Pierre Jiquiaud, au quatrième étage, Bernard, Dine et Grelin au cinquième (p.528)
Rue de Moscou : où habite Jean Jouvedieu (p.532)
Le « Petit Dingue » : établissement où travaille Dine (p.533)
Le bougnat de la rue du Mont-Cenis : où la mère de la fillette, envoie Lucien chercher son mari (p.536)
Le « Bœuf tondu » : le restaurant où se retrouve la bande d’amis (pp.541, 617)
La firme Jacques et Flobert : client de Pierre Jiquiaud qui vend du savon (p.541)
Une minuscule terrasse de la rue de Belleville : où Bernard et Pierre Jiquiaud prennent une bière (p.543)
Rue de Maubeuge : Octave Jiquiaud, père de Pierre Jiquiaud, a son étude au n°67 bis – en fait, à l’angle de la Rue du Faubourg Poissonnière (p.549)

67, rue de Maubeuge
Domicile d’Octave Jiquiaud : sur la rive gauche (p.552)
Boulevard Sébastopol : un peu plus bas que chez Potin, où deux pauvres grelottent sur un banc en hiver (p.562)

Ancien siège de Félix Potin à l’angle rue Réaumur/boulevard de Sébastopol.
Ménilmontant : où vivent les parents de Dine (p.572)
Le cabaret « La Galège » évoqué par Grelin (p.574)
Rue Saint-André-des-Arts : où Grelin donnait autrefois des cours de Jiu-jitsu dans une cave (p.576)
Le cimetière de Pantin : où Grelin va rendre visite à la tombe de sa femme tous les samedis à 2 heures. Il pend le métro jusqu’à la Villette, remonte à pied les quais du bassin, puis du canal Saint-Denis (p.577)
Boulevard de Clichy : emprunté par Bernard, Dine et Grelin, de retour du « Petit Dingue ». (p.579)
Rue de la Folie-Méricourt : où Madame Ruche habite depuis 6 ans et demi (p.579)
Une maison de santé : où Bernard a été interné après avoir frappé Pierre Jiquiaud avec la canne au pommeau d’argent de son père (p.662)
Un hôtel assez misérable près de la gare : où Bernard descend lors de son retour à Paris (p.665)
Un café de la Place de la Bastille : où Bernard va chercher une fille (p.665)
Boulevard Richard-Lenoir  et quais du Canal Saint-Martin : où Bernard se promène le matin, depuis qu’il vit aux crochets de Mme Ruche: (p.667)

43, rue de la Folie-Méricourt 
Le canal de l’Ourcq : longé par le taxi qui emmène Bernard, Dine et Grelin au cimetière de Pantin (p. 623)
Le café des « Trois Pieds de Mouton » : que Grelin reconnait sur le trajet qui le mène au cimetière de Pantin (p.624)
Un restaurant de la rive gauche : où Bernard dîne avant de regagner Montmartre (p.645)
L’hôtel rue des « Trois-Frères » : où habite Dine lors de sa dernière rencontre avec Bernard (p.669)
La rue Pigalle : sur le chemin qui mène à l’hôtel de dine (p.669)

Presse et travaux :

Bourgeois, André : « Le Vaurien ». In : http://andrebourgeois.fr/marcel_ayme.htm#Vaurien (mise à jour: 22 août 2007).
Brasillach, Robert : « Le Vaurien ». Action française (26 juin 1931).
Charensol, Georges : « Le Vaurien ». Nouvelles littéraires (27 juin 1931).
Lécureur, Michel : « Le Vaurien. Notice ». In : Œuvres romanesques complètes. Gallimard. Bibliothèque de La Pléiade. Vol.1 (1989), pp. 1430-1435.
Saurant, D. : « Le Vaurien ». N.R.F. n°37 (nov. 1931).
Truc, Gonzague : Comedia 2 juin 1931 (L’auteur de l’article estime que les personnages sont trop exceptionnels, trop bizarres).
X. : Le Figaro 8 juin 1931 (le critique juge l’intrigue comme un exercice savant présenté avec gaucherie).

Citations :

« Malheureusement pour moi, mon père arrivait à cet âge où la plupart des hommes donnent dans le travers d’être didactiques, parce qu’il leur faut bien prendre avantage de quelque chose. » (Bernard)
La Pléiade vol. I, page 514
« On peut bien n’attacher pas d’importance à l’ombre portée d’un pommier ; ce sentiment d’indifférence, portant sur un seul objet, ne doit pas faire préjuger d’un système philosophique. Mais la mauvaise foi est à l’aise de généraliser. » (Bernard)
La Pléiade vol. I, page 520
« L’argent ne se souvient de rien. Il faut le prendre quand on peut, et le jeter par les fenêtres. Ce qui est salissant, c’est de le garder dans ses poches, il finit toujours par sentir mauvais ». (Octave Jiquiaud)
La Pléiade vol. I, page 558
« Les parents, s’ils ne vous aiment pas comme on est, ce n’est rien ». (Dine)
La Pléiade vol. I, page 573
« Vous voyez, c’est à se demander si c’est un usage bien raisonnable d’être le père de son fils et s’il ne vaudrait pas mieux choisir toujours. »
(Octave Jiquiaud)
La Pléiade vol. I, page 581
« Où irions-nous, si les hommes n’avaient plus rien à attendre que de leur travail ? Vous auriez le spectacle d’une humanité prévoyante et désabusée qui rognerait dans la nécessité. Heureusement, la spéculation apporte l’espérance à tout le monde, elle supplée à cette providence divine qui paraît de plus en plus débordée. »
(Octave Jiquiaud)
La Pléiade vol. I, page 614
« Mon père m’accepte d’abord, comme je suis, et c’est parce que je fais partie de lui-même. » (Jouvedieu)
La Pléiade vol. I, page 622
« Ma mère posa sa joue contre la mienne, et je fis un pas de retraite. Sa robe fleurait la naphtaline et la chapelle ardente ; je sentis, par le nez, la désolation d’être venu au monde après ses parents » (Bernard)
La Pléiade vol. I, page 664

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