La Belle Image

La "Métamorphose" de Kafka à rebours.


Marcel Aymé
Œuvres romanesques complètes
La Pléiade III (pp.1-143)

Le contexte

Après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939 et durant la débâcle de mai-juin 1940, Marcel Aymé est à Cap-Ferret où il est resté durant près d’un an avec Marie-Antoinette. Le couple rentre à Paris à la fin du mois d’août 1940. Le roman La Belle Image est rédigé durant l’été et les mois de septembre-octobre 1940.

Marcel Aymé est découragé par la guerre et pense qu’elle va durer 10 ans. Son pessimisme se reflète dans le roman. Pour la première fois Marcel Aymé introduit le fantastique dans un roman.

Le roman La Belle Image est publié en feuilleton dans le journal Aujourd’hui avec des illustrations de Chas Laborde, soit 44 épisodes du 15 décembre 1940 au 14 janvier 1941. L’édition chez Gallimard dans la collection blanche est achevée d’imprimer le 14 janvier et sort le 28 janvier 1941.

Les thèmes

Une réflexion sur la place, dans notre relation avec les autres, de notre apparence physique et de l'idée que l'on s'en fait. On pense à La Métamorphose (1915) de Kafka.

La vacuité du monde et son absence de signification qui rappellent les sujets de La Nausée (1938) de Sartre ou Feu Mathias Pascal (1904) de Pirandello.

Les relations entre homme et femme au sein du couple. Le risque de trop bien connaître l’autre.

La cohabitation dans l’esprit humain, de la foi et de la raison, de l’absurde et du rationnel.

Synopsis

Roman parisien, associant fantastique et réalisme, dont l’action débute par une fin de septembre chaude et lumineuse et se déroule sur une période de trois semaines.
C’est l’histoire de la métamorphose d’un homme d’affaires probe, travailleur et soupçonneux, au visage ingrat et lourd d’esprit, en un jeune homme élégant au visage fin et gracieux, très séduisant.

Les personnages

Par ordre d’entrée (ou d’évocation) dans le roman :
Raoul Cérusier : 38 ans, personnage principal du roman et narrateur désigné par ‘‘je’’, objet de la métamorphose (p.3)
Mme Passavent : l’employée de l’administration, une petite femme grisonnante au visage chétif (p.3)
M. Caracalla : un fonctionnaire retraité (p.3)
La préposée du guichet voisin (p.4)
Le professeur de latin de son fils (p.4)
Son fils qui ne mord pas au latin (p.4), prénommé Julien, comme indiqué plus loin (p.31).
M. Boussenac : le supérieur de la guichetière (p.5)
Un chauffeur de taxi en discussion avec son client, un minuscule vieillard (p.10)
Une jeune personne qui regarde Cérusier avec intérêt (p.11)
Deux voyageuses fort jolies, assises dans le bus regardent Cérusier (p.12)
Julien Gauthier : camarade de Raoul Cérusier, attend à côté de lui dans la rue (p.12)
Les chauffeurs, l’agent qui règle la circulation (p.13)
Le propriétaire et une jeune employée de la boutique d’objets en ivoire qui s’amusent en voyant Raoul Cérusier se regarder dans la vitrine (p.13)
Le garçon de café près de Saint-Roch (p.14)
Un homme de 30 ans au visage fin et gracieux : nouveau personnage de Cérusier après la métamorphose (p.14)
Madame Lagorge : dactylo du bureau de Raoul Cérusier (p.17)
Lucienne, âgée de 25 ans : secrétaire de Raoul Cérusier depuis cinq ans, elle a été sa maîtresse à la fin de l’année précédente (p.17)
Le caissier de la banque de Cérusier : évoqué (p.18)
Meyerhold de la B.B.S. et Brown de la Métal Union que Cérusier prétend avoir rencontrés (p.19)
Poulet-Bichon : société qui aurait effectué certains achats en Roumanie, selon Cérusier (p.19)
Le cousin Hector (p.21)
Renée Cérusier : 34 ans, née Rabilleur, l’épouse de Raoul (p.23)
L’oncle Antonin : évoqué (p.23) entrera en scène p.29 : oncle de Renée Cérusier, qui exploite une porcherie à Chatou.
La bonne des Cérusier : qui, profitant d’être seule, a laissé la maison en plan (p.24) – on apprend qu’elle se prénomme Marguerite (p.124)
La concierge des Cérusier : fait visiter l’appartement du 5e (p.25)
Roland Colbert : nom d’emprunt de Raoul Cérusier (p.25)
Les passantes qui rentraient chez elles un œuf à la main (p.27)
Les hommes qui lisaient un journal dont les titres leur faisaient jaillir et injectaient les yeux (p.27)
‘‘La Sarrazine’’ : 26 ans, brune, d’œil noir la poitrine et la hanche un peu fortes (p.27)
Joubert : un sculpteur de la rue Girardon client du bistrot ‘‘Au Rêve’’ (p.29)
Garnier : régisseur de théâtre, locataire de l’immeuble de Cérusier, client du bistrot ‘‘Au Rêve’’ (p.29)
Lucien : 12 ans, le fils des Cérusier (p.31)
Toinette : la fille des Cérusier (p.31)
Texas : le chien de l’oncle Antonin (p.32)
Thérèse : mère de Renée et sœur de l’oncle Antonin, évoquée par Raoul (p.33)
Deux agents cyclistes : dressent une contravention à l’oncle Antonin dans le bois de Boulogne (p.36)
Un couple d’étrangers : chez Manière (p.38)
Chasord : peintre et dessinateur chez Manière (p.38). Il s’agit de Chas Laborde.
La Sarrazine avec une jeune femme et un homme chauve à une table voisine (p.39)
Les Marion : des amis des Cérusier qui habitent au bas de la rue Caulaincourt (p.41)
Les œuvres du P. Massillon et l’Histoire de France du R.P. Daniel : dans la bibliothèque du nouvel appartement de Colbert/Cérusier (p.44)
Un certain Couesnon : ancienne relation d’affaire de Cérusier (p.49)
Maître Lécorché de l’étude où Cérusier et Julien Gauthier furent clercs de notaire (p.61)
La mère Francgodet, son cousin Maîtrot dans la succession Chenevières, évoqués (p.61)
Maître Bourquin : notaire de Château-Thierry cité dans les souvenirs communs de Cérusier et Gauthier (p.61)
Torcaillon : dossier de l’étude Lécorché, cité par Julien Gauthier (p.61)
Hector : cousin de Raoul présent dans un rêve de ce dernier (p.64)
Le père Brown : client roumain de Cérusier (p.68)
Anna : la jeune femme accompagnant la Sarrazine chez Manière (p.81), peut-être celle évoquée plus haut (p.39)
Janette : cousine de Renée Cérusier, habitant Blois, s’installe chez les Cérusier (p.82)
Le Commissaire et le brigadier Lefort : personnages présents dans un rêve de Roland (p.86)
Une sorte d’hercule en chandail : que Roland heurte en courant (p.90)
Une fille, très jeune, qui aborde Roland Boulevard de Clichy (p.92)
Victor : l’ami de la jeune prostituée qui serait dans le cinéma (p.93)
Léonie : la sœur de la jeune prostituée qui doit venir de province (p.93)
Un homme honorable qui a quitté sa femme et quatre enfants pour suivre une créature à Marseille, selon ce que raconte Roland (p.102)
Un chauffeur de taxi auquel Roland demande de la conduire rue Copernic (p.104)
La secrétaire de Julien Gauthier : une dame à lunettes et cheveux blancs (p.105)
M. Fénelon : expert en écritures qui téléphone à Lucienne au bureau de Cérusier (p.106)
Deux clients du restaurant : une femme d’une trentaine d’années, brune, opulente, très parée et un homme (Victorien) de 50-60 ans chauve et replet (p.108)
Un autre client : un jeune homme qui mange en lisant et regarde l’heure (p.109)
La patronne du restaurant qui tricote au comptoir (p.109)
Un joueur de billard qui s’exclame (p.109)
Le garçon du restaurant auquel le jeune homme se plaint de ne pas avoir obtenu sa communication dans la cabine (p.109)
Personnages divers et Dieu apparaissant dans un rêve de Roland (p.111)
Une jeune femme, jolie et élégante, à côté de laquelle Roland s’assied dans l’obscurité du cinéma (p.113)
La marchande de journaux de la rue Caulaincourt qui reconnait Raoul Cérusier (p.113)
Un commerçant du voisinage qui salue Raoul Cérusier (p.114)
Un homme pauvre et frileux qui demande du feu à Raoul Cérusier (p.119)
Alain Leduc : élève de la classe de Lucien rencontré sur le chemin de l’école (p.125)
Les clients du restaurant dans le quartier de l’Etoile où se rencontrent Raoul, Julien et l’oncle Antonin (136)
Les Gémillard : vieux amis de la famille de Raoul Cérusier auxquels Raoul et Renée vont rendre visite un dimanche (p.139)

Les lieux

L’administration : un bureau étroit situé à l’entresol et donnant sur une cour sombre et profonde (p.3)
Rue du Quatre Septembre : au 3ème étage, où se trouve le bureau de Cérusier (p.10)
Rue du Bac : que Cérusier descend (p.11)
Les quais : vers lesquels se dirige Cérusier (p.11)
Le jardin des Tuilerie que Raoul Cérusier traverse en courant (p.13)
Une boutique d’objets en ivoire sous les arcades de la rue des Pyramides : où Raoul Cérusier s’arrête pour se regarder dans la vitrine (p.13)
Rue Saint-Honoré : où tourne Raoul Cérusier (p.13)
L’arrière-salle d’un petit café proche  de l’église Saint-Roch : où Raoul Cérusier s’est réfugié (p.14)
La Bourse : vers laquelle Cérusier poursuit son chemin (p.16)
Rue Caulaincourt : où habite Cérusier (p.24)

<img src="../../ImageA.jpg" width="400" height="203" />


Chez Manière : au n°65 de la rue Caulaincourt. Il porte actuellement l’enseigne ‘‘Le Cépage Montmartrois’’ (p.24)
Le cimetière de Montmartre : point de départ de la rue Caulaincourt, évoqué par Cérusier (p.26)
Le Sacré-Cœur : évoqué par Cérusier (p.26)
Chez Paul : café important de la rue Lamarck où se rend Roland Colbert/Raoul Cérusier (p.26)
Rue des Saules : évoquant un beau paysage du Japon (p.27)
L’immeuble au confluent de l’avenue Junot et de la rue Caulaincourt (p.27)

<img src="../../../editions/romans/ImageB.jpg" width="400" height="292" />
Le bistrot ‘‘Au Rêve’’ La Gazette de Montmartre n°35, décembre 2008

Le bistrot ‘‘Au Rêve’’ : 89 rue Caulaincourt où s’installe Roland Colbert/Raoul Cérusier (p.28) situé en face du Square Joël Le Tac, place Constantin Pecqueur (18e)
Chatou : l’oncle Antonin rentre à Chatou par l’Etoile (p.32)
Le Bois (de Boulogne) et le grand lac : sur le chemin de l’oncle Antonin (p.34)
Le nouveau logis de Colbert/Cérusier au 5e étage (p.42)
Le Museum : où Raoul rencontre sa femme (p.53)
L’Afghanistan : d’où Colbert/Cérusier prétend être rentré la semaine précédente (p.56)
Un café du boulevard Saint-Germain : où entre Colbert/Cérusier (p.58)
Clichy : où Colbert/Cérusier visite deux clients et amorce une affaire (p.66)
Un magasin près de la Madeleine : où Colbert/Cérusier rencontre Renée (p.67)
Un café de la rue de Wagram : où se trouvent Colbert/Cérusier et l’oncle Antonin (p.73)
Le métro : où Colbert/Cérusier se contemple dans une glace (p.76)

ImageC

Le Bon Marché : où Renée et sa cousine Janette doivent se rendre (p.83)
Un café de la rue de Sèvres : où Renée fixe un rendez-vous à Roland Colbert (p.83)
Rue du Dragon : où Renée prend le bras de Roland Colbert (p.83)
La station d’autobus du Boulevard Saint-Germain où arrivent Roland et Renée (p.83)
Rue des Saints-Pères : où Roland et Renée suivent Julien Gauthier (p.85)
Nancy : destination d’un voyage d’affaire où Lucienne a accompagné Cérusier (p.89)
Sofia : d’où Cérusier (téléphonant à Lucienne) prétend revenir (p.90)
Boulevard de Clichy où l’oncle Antonin fixe un rendez-vous à Roland (p.91)
Un restaurant des environs de l’Etoile : où Roland veut faire se rencontrer l’oncle Antonin et Julien Gauthier (p.97)
La pente abritée de la rue Girardon : par laquelle Roland regagne son appartement (p.98)
Le pont de la rue Riquet : d’où Roland regarde les rails, les entrepôts et gazomètres, jusqu’à Aubervilliers, les quartiers de la Chapelle et de la Villette (p.104)
Rue Copernic : où habite Julien Gauthier (p.104)
Boulevard des Capucines : où Roland se promène (p.107)
Banlieues d’Asnières ou Levallois : où Roland erre en méditant (p.108)
Un restaurant de banlieue : où Roland entre pour déjeuner (p.108)
Porte Champerret où Roland se retrouve après s’être égaré en banlieue (p.112)
Un Cinéma où Roland entre pour se reposer (p.112)
Bercy : quartier d’où vient l’homme pauvre et frileux qui demande du feu à Raoul (p.121)
L’école communale toute proche où va Toinette et le lycée Rollin où va Lucien (p.124)
Rue des Martyrs : sur le chemin du bureau de Cérusier (p.126)
Un tour au Bois, apéritif aux Champs-Elysées, le dimanche d’après à Vincennes ou voir les arènes de Lutèce – la nouvelle routine imaginée par Raoul Cérusier (p.135)
Porte des Ternes où habitent les Gémillard (p.142)

Presse et travaux

Bensaadi, Fayçal : « De l'hallucination dans l'art d'écrire de Marcel Aymé à Yasmina Khadra dans ‘‘La Belle image’’ et ‘‘L'Attentat’’ ». Synergies Algérie (2009), n°7, pp. 57-63

Bonin, Cyril : « La Belle Image » Bande dessinée d’après Marcel Aymé. Editions Futuropolis (4 juin 2011)

Fernandez, Ramon: Lectures 40, 10 mars 1941

Gérin, René: L’Œuvre N°9262, 28 février 1941

Jeanlebleu : Une œuvre très riche. Critiques Libres, 8 avril 2008

Mac Orlan, Pierre : « La Belle image ». Les Nouveaux temps (14 févr. 1941)

Marion, D. : « Opinion sur ‘‘La Belle image’’ ». France illustration (20 janv. 1951)

Peyre, Henri: "Handsome Is As..." The Second Face, by Marcel Ayme, The Saturday Review, April 19, 1952, p. 31

Phillips, William: “European Fiction - The Abyss, by Manes Sperber, ...”  (The Second Face) The American Mercury, July 1952, pp. 102-109

Poulain, Henri: Je suis partout, 14 février 1941

Prescott, Orville : « “The Second Face” by Marcel Aymé » The New York Times (1952) April 18.

Rolo, Charles J.: « “The Second Face’’ by Marcel Aymé » The New York Times (1952) April 13.

Thérive, André: Le Temps, 30 avril 1941.

Touzet, Florence : « La Belle Image de Marcel Aymé » Association de lecture Bibliopoche. bibliopoche.blogspot.fr  (27 mars 2008)

Citations

« Il fallait éviter de vivre sur deux registres à la fois, autrement dit de laisser apparaître en moi la présence de deux personnages dont le désaccord, s’il était trop visible, pouvait facilement me conduire au cabanon. » Réflexion de Raoul Cérusier (p.13)

« Une expression n’est après tout que le reflet d’un état de conscience dont le visage se fait l’interprète » Selon Raoul Cérusier (p.14)

« Il semble qu’un visage ne soit pas seulement un miroir reflétant nos pensées et nos sentiments, mais qu’il réagisse lui-même sur ceux-ci et se compose avec eux. » Selon Raoul Cérusier (p.15)

« Il y a dans la perfection une stabilité qui n’est pas la vie, et qui l’empêche de se défaire en elle. » Raoul Cérusier (p.25)

« L’homme pauvre peut bien s’enorgueillir d’être fort en face des tentations auxquelles il voit succomber les riches » Raoul Cérusier (p.28)

« Un poète, ça flâne derrière sa raison avec des airs de la bouder, mais en se gardant bien de lui marcher sur la queue » Raoul Cérusier (p.35)

« Il partit de son plus grand rire qui roula dans le désert du bois comme une orgie d’harmonium dans une église vide. » s’agissant de l’oncle Antonin (p.36)

« Entre le visage d’un être et sa vie intérieure, il existait réellement certains accords et des réactions, des reflets de l’un sur l’autre. » Raoul Cérusier (p.50)

« Le bonheur d’un ménage est au prix d’un aveuglement réciproque, d’une volonté paisible de se méconnaître mutuellement. Les époux sont comme les rails de chemin de fer, ils vont l’un à côté de l’autre en respectant l’intervalle et si jamais ils se rejoignent, le train conjugal fait la culbute » Raoul Cérusier (p.65)

« La foi à l’absurde est une sorte d’état de grâce auquel on parvient comme par l’opération d’un charme. Le charme rompu pour quelque cause que ce soit, tous les efforts de la raison ne peuvent rendre la foi. » Raoul Cérusier (p.97)

« Il y a une façon de discipliner les hommes dans les petites choses de la vie quotidienne, qui fait qu’ils se sentent toujours accompagnés, même lorsqu’ils sont loin de leur femme. » Renée Cérusier (p.101)

« Dès qu’on méprise quelqu’un, on cesse de le comprendre et on se met à sa merci. » Raoul Cérusier (p.122)

« Une fois de plus, il se confirme qu’on a toujours intérêt à tenir à l’abri des parents ce qu’on a pu faire d’acquisitions un peu exaltantes. Ce n’est jamais d’eux qu’il faut attendre un secret merveilleux. » Lucien Cérusier (p.125)

 

Haut de page